Autopromotion

Avec un titre pareil, vous vous attendez probablement à un billet nombriliste et égo-centré vantant ma nouvelle coupe de cheveux, mon exceptionnelle participation à la quinzaine du gras de l’Intermarché de Mauvezin  ou la beauté du galbe de mes pectoraux huilés. Que ceux qui ne sont pas adeptes du “culte du Raf” ne passent pas trop vite leur chemin car de tout cela il ne sera pas question dans ce billet (ouf!).

L’autopromotion c’est mon nouveau dada, ma nouvelle lubie, connaissant mon goût pour l’architecture et les idées “alternatives”, vous allez vite comprendre pourquoi. Par ce néologisme, on désigne la démarche d’un petit groupe de personne cherchant à construire ensemble un habitat collectif de qualité pour leur propre usage. Très développé en Allemagne, en Suisse et au Canada, l’autopromotion fait petit à petit son apparition en France avec quelques projets emblématiques dont celui de la Salière à Grenoble, à mon sens un modèle du genre qui a l’immense mérite d’avoir largement dépassé le stade du simple projet pour sortir de terre. Mais attention, n’allez pas imaginer un truc de baba-cools attardés post-soixante-huitards sur le retour où l’on élèverait des chèvres à la cave et des lamas sous les combles! Malgré les valeurs coopératives, écologiques, sociales ou solidaires que véhiculent souvent ces projets, ceux qui les mènent ont bien les pieds sur terre et ont une approche très pragmatique de l’habitat collectif. A la base de leur démarche, il y a souvent une insatisfaction face à ce que proposent les promoteurs traditionnels: trop petit, pas assez écolo, trop individualiste, mal situé, de mauvaise qualité, la liste des griefs est longue. Alors comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, pourquoi ne pas s’instituer soi-même promoteur? Outre l’assurance d’avoir un habitat qui correspond à ses besoins et ses envies, il y a l’opportunité d’économiser 10 à 15% du coût de la construction (souvent réinvestis dans des matériaux ou des équipements plus performants). C’est aussi l’occasion de mener un projet à plusieurs, de vivre une aventure collective hors norme qui débouchera si tout va bien sur une nouvelle façon d’appréhender le “vivre ensemble”. Ainsi, à côté des appartements privés de chacun, les habitats en autopromotion intègrent souvent des espaces collectifs comme une buanderie (comme aux Etats-Unis), un atelier, un jardin, une chambre d’amis, … autant de lieux favorisant les échanges entre voisins sans toutefois tomber dans la communauté Hippie! Dernier bénéfice à mettre au crédit de l’autopromotion, parce qu’elle reflète les aspirations et les façons de vivre de ses habitants, elle contribue à une plus grande variété architecturale et à un urbanisme renouvelé. On est loin des grand ensemble d’immeubles ou des lotissements construits en mode “copier-coller” qui fleurissent dans nos villes et nos campagnes.

Si les démarches d’autopromotion sont encouragées (presque institutionnalisées) en Allemagne (sous le terme “baugruppen”), notamment par les municipalités qui mettent à disposition des terrains à des tarifs préférentiels pour ces projets, elles restent relativement confidentielles et ignorées en France où elles s’apparentent plus à un parcours du combattant sur plusieurs années qu’à un long fleuve tranquille. Ca n’empêche pas qu’une 20 de groupes actifs se soient constitués un peu partout pour essayer de monter des projets d’habitat collectifs. Peu ont encore abouti, ceux qui ont réussi (ou sont en passe de le faire ont bénéficié de l’appui de leur mairie comme à Grenoble ou à Strasbourg.

Pour pousser l’analyse un peu plus loin, j’oserai un parallèle entre l’autopromotion et le phénomène des AMAPs. Dans les 2 cas, on sent une volonté des “consommateurs” de devenir acteur-concepteur des produits qu’ils consomment et établissant une relation directe et collaborative avec un “producteur”. L’objectif poursuivi est le même: avoir un mode de vie plus sain et plus durable, vivre en accord avec ses convictions, favoriser les échanges et les relations sociales, encourager la diversité des produits. C’est une tendance lourde dans notre société, après l’habitat et l’alimentation, je ne m’étonnerais pas de la voir s’étendre à d’autres domaines.

Pour ceux que le sujet intéresse, si je n’avais qu’un document à conseiller, c’est celui d’Alain Meyer, incroyablement érudit et complet. Pour ceux qui sont sur Toulouse, sachez que l’association La Jeune Pousse rassemble deux groupes qui travaillent activement sur des projets d’autopromotion, je crois qu’il y a encore des places disponibles.

Mai14

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